Dans une interview exclusive, nous avons découvert le sportif de haut niveau en demi-fond : Romain Legendre. Après avoir arrêté ses études il y a un an et demi, Romain s'investit désormais à 100% dans la course à pied pour essayer de vivre de sa passion et d'atteindre le plus haut niveau. Nous avons donc abordé avec lui son parcours, son approche de la course à pied avec les difficultés qu'il a rencontré et ses objectifs futurs pour cette nouvelle année.  
 
Maurine : Comment as-tu commencé l’athlétisme ? 
Romain : J’ai commencé l’athlétisme il y a une douzaine d’années. En parallèle, j'ai aussi pratiqué d'autres sports comme le BMX ou la trottinette mais j'ai rapidement fini par arrêter.
En revanche, j'ai commencé le demi-fond il y a 5 ans, à partir de mon année de terminale. C'est au niveau post-bac que je m'y suis réellement investi de manière importante pour le considérer comme ma priorité de vie numéro une. Petit à petit, j'ai vraiment structuré ma vie autour de ce sport. Tous mes choix ont été faits en fonction de la course à pied pour essayer d'atteindre le plus haut niveau !
La course à pied est devenue littéralement ma passion, ma raison de vivre, c’est la chose qui me fait le plus plaisir sur Terre.  
Romain Legendre Sensus
 
Maurine : Pourquoi la course à pied en particulier ?
Romain : Au tout début, c'était parce que j'étais meilleur là-dedans. Personnellement, je n'ai pas trop de détente, je ne suis pas très bon en saut en longueur, en hauteur et en lancer. Donc utiliser mes bras pour de la force n'était pas un effort qui me plaisait réellement.
Et finalement, j'ai toujours eu la chance de savoir bien courir depuis tout jeune. J'ai commencé par faire un 1000m puis un cross, et ça s'est bien passé donc je me suis dit que je n’étais pas si mauvais dans cette pratique. C'est là que j’ai commencé à m’entraîner vraiment parce que je voyais que j'étais fort et que j'aimais ça.

Les sports d'endurance plus ça va et plus deviens accro.

 J'ai réussi à atteindre les podiums des catégories jeunes en cadet, junior et espoir sur 1500m notamment.
Et depuis 5 ans, je m'y investis pleinement. Je me suis rapidement rendu compte que c'était la chose qui me procurait le plus de satisfaction, de plaisir et de liberté.
D'ailleurs, je ne sais pas si c'est génétique mais par des attributs physiques qui me favorisaient dans la pratique de la course à pied, et l'enchaînement de la pratique et des entraînements, ça m’a encore plus donné envie de continuer et j’ai adoré faire ça !
Maintenant, je me pose même plus la question de pourquoi je cours parce que c'est quelque chose de tellement naturel chez moi.
Courir c'est facile d'accès et c’est ça que j'aime aussi dans ce sport ! Par exemple, j'ai pratiqué quelques « sports extrêmes » où on se rend compte qu'on a toujours besoin d'un vélo, d'un casque ou de matériels supplémentaires...
  

Alors qu'avec la course à pied, il te suffit d'avoir une paire de basket, un short et un tee-shirt K-li et puis c'est parti !

Et, ce qui me raccroche encore plus à la course à pied : c'est le partage avec les autres. Tu peux partir avec d'autres gens, faire des rencontres, voyager... C'est une réelle opportunité !

 
Maurine : Finalement, dans la course à pied on s'imagine un sport plutôt individualiste mais c'est intéressant de voir cette facette de partage !
Romain : Oui, ce qui nous rapproche c’est le fait qu’on partage, qu'on vit et qu'on ressente la même chose. L’athlétisme reste un sport ingrat et dur donc on souffre ensemble à l'entraînement, mais ça crée des liens et ça rassemble. Surtout en stage, on y crée des vraies amitiés et des souvenirs qui restent longtemps.

L'effort est individuel mais la pratique et la passion se partage.

 

Maurine : Et, pourquoi ce choix d’arrêter les études ? 
Romain : C’était par rapport à ma personnalité. Je suis quelqu'un de passionné, chez moi c'est tout ou rien.
Après mon Bachelor, j’aurais pu m'engager pour un master mais je ne voulais pas ciseler mon emploi du temps et donc finir par mettre la course à pied au second plan.
Personnellement, quand je m’engage dans quelque chose, j'y vais à fond. Il y a beaucoup de choses à assurer donc c’est vrai que c'était frustrant pour moi d’encore une fois retarder l'échéance.
Donc j'ai pris cette décision parce que j'avais besoin de pouvoir persévérer à mon plein potentiel. Je voulais savoir ce que j'étais capable de faire en me donnant l'intégralité de mes moyens. Ce qui me fait le plus plaisir c'est de savoir que le matin je me lève en ayant pour objectif de m'entraîner pour être le plus performant possible, tout en gardant un peu de recul sur mes résultats.
Après je me suis toujours dit que j'allais reprendre les études à un moment ou à un autre. Je ne veux pas m'arrêter sur un Bachelor en école de commerce, ne serait-ce que par intérêt personnel pour le plaisir d'apprendre.
Mais, c'est vrai que je ressentais le besoin personnel d'arrêter les études pour l'instant afin de voir ce que je donnais tout seul, à fond dans ma passion.

 

 

Maurine : Et en ce qui concerne ton rythme de vie, comment tu t'organises ?
Romain : Alors, maintenant que je me suis donné le temps et les moyens de faire que ça de ma vie, j’ai pu mettre différentes choses en place autour de moi.

Parce qu’en étant sportif, il y a, certes, la course et les entraînements mais il y a aussi toute la partie récupération qu'on ne voit pas sur les réseaux sociaux. 

Par exemple, toutes les semaines : je vois 3 fois le kiné, j’ai 1 ou 2 séances de cryothérapie, 1 à 2 séances de renforcement musculaire et je fais 12 entraînements de course à pied. Ça me prend du temps mais je réussis tout de même à avoir du temps libre que je consacre à me reposer. 
Globalement, chaque mois, j’essaye d’analyser mon évolution en faisant un bilan sur mes performances à l’entraînement, les soins utilisés ce mois-ci, etc. Ça me permet d'avoir un suivi à l'année pour pouvoir m'améliorer au maximum. 
Au quotidien, je dois aussi être discipliné concernant mon hygiène de vie. Je prends le temps de bien me faire à manger et de bien dormir.
 
 
Maurine : Et comment t'organises - tu pour réussir à vivre de la course à pied ?
Romain : Au niveau « business », j'essaye de créer un petit réseau autour de moi pour tenter d'avoir des sponsors. Honnêtement, en ce moment ça ne marche pas très bien parce que je n’ai pas encore le niveau qui me permet d'avoir le prestige d'être attirant pour les entreprises. C'est un peu frustrant par moment, mais je m'accroche. J'ai la chance d'avoir des parents qui croient en moi et qui investissent sur moi, ce qui me booste au quotidien.
Et puis je fais tout ça pour essayer d’atteindre le plus haut niveau, sans prétention aucune, mais il faut savoir être ambitieux !
Mon objectif ultime c'est que la course à pied devienne une source de revenus. Peu importe le moyen, j’aimerais pouvoir me réveiller le matin et ne pas me poser de questions, ne pas avoir à demander des virements à mes parents. Je veux juste pouvoir vivre de ma passion, en la partageant justement dans des compétitions avec des sponsors, ça serait le top !
Mais pour arriver à ce niveau, et pouvoir participer à des compétitions prestigieuses comme les Jeux olympiques ou les championnats du monde, il faut s'entraîner !
Je reste conscient qu’il y a des étapes à franchir. On les prévoit avec les entraîneurs car on sait que le chemin se construit sur des bases solides. On est sur une bonne lancée. Le but est de tout mettre en place pour avoir un très bon niveau et être constant sur la durée.

C'est la régularité qui est la clé !

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Maurine : En pratiquant quotidiennement depuis des années, tu as sûrement dû être confronté à l'anxiété de performance, comment tu gères cela ?
Romain : Là, on est dans le vif du sujet. C’est l'approche psychologique ! Dans ma petite expérience de coureur à pied qui veut s'investir fort, il y a eu 2 soucis.
La gestion de l'entraînement et des blessures.
Il faut savoir trouver le juste milieu pour ne pas se mettre dans le rouge. Quand tu cours à haute intensité c’est comme si tu te retrouvais sur un flanc de montagne : tu peux basculer vraiment à tout moment !
Il y a la blessure qu’il faut savoir appréhender. Personnellement, j'ai été beaucoup blessé, notamment mes premières années où j'ai décidé de faire beaucoup plus d'athlétisme. Je me mettais à bloc, et donc mon corps n’a pas tenu.
K-li Running - Romain Legendre

Maintenant, j'ai réussi à trouver un équilibre, et je réussis à doser l'entraînement.

Avant, j’allais m'entraîner sans que mes entraîneurs ne le sachent, ils me disaient de ne pas aller courir et moi j'allais faire 15 km parce que j'avais trop besoin de ça ! Donc, oui, il y a vraiment une gestion là-dessus ce qui peut être frustrant, mais il faut savoir être discipliné.
Après, il y a l'approche mentale de la compétition qu'il faut réussir à gérer. Quand tu t'investis à fond et que le résultat n'est pas au rendez-vous, c'est difficile mais il faut savoir l'appréhender.
Par exemple, la saison dernière fut très compliquée pour moi parce qu'en m'investissant à 100% dans la course à pied, je ne supportais pas l'échec. J'ai un peu saturé. Et puis, un jour, je suis arrivé au stade et je ne voulais même plus mettre mes baskets.
Je voulais juste aller courir sans me prendre la tête !
Maintenant, je vois une prof de yoga pour l'assouplissement, mais elle m'aide aussi à travailler sur l'approche mentale à travers le développement personnel et la stabilité. Même si ça reste limité.
Et sinon, je me gère un peu tout seul. C'est une approche que je trouve essentielle à avoir quand on cherche à atteindre le plus haut niveau. 
Quelquefois, il faut savoir mettre son ego de côté. C'est vrai que quand tu es sportif et que tu cherches à faire du haut niveau, souvent, tu as un ego surdimensionné surtout dans ton sport. Tu veux que personne ne te batte, tu veux faire toutes tes séances dans les bons chronos, tu veux que tout soit carré tout le temps. En tout cas, c'est comme ça que j'ai conçu la pratique de haut niveau. Mais, il faut savoir prendre du recul et accepter que ça ne se passe pas comme prévu ou que les résultats ne soient pas à la hauteur de tes attentes.

 

 

Maurine : Est - ce qu'il ne faut pas plus se focaliser sur la notion de plaisir plutôt que sur la performance ?
Romain : Je pense que oui. Quand tu perds le plaisir de la course à pied ou en tout cas de l'investissement, c'est là que tu te rends compte que tu perds tes moyens. Alors que juste si tu aimes ce que tu fais sans te poser de questions, ça va aller !
Donc c'est vrai que je me suis un peu perdu en voulant m'investir à fond là-dedans, je me suis fait la réflexion que j’avais oublié le plaisir et je pense que c'est un peu la base à ne pas oublier pour réussir à passer les étapes.
Finalement plus tu arrives décontracté, plus tu te surprends toi-même à faire des records que tu ne te pensais pas capable de faire à ce moment-là.
Après, c'est aussi une dynamique à garder.

C'est la discipline qui entraîne la dynamique.

Il faut bien manger, bien dormir, bien s’entraîner. Il faut conserver ce rythme-là, chose qui n'est pas toujours facile à faire, par exemple s'il y a une déconvenue dans sa vie privée, si on a la flemme de s'entraîner ce jour - là ou si on veut juste sortir avec ses potes. Tous ces facteurs peuvent casser la dynamique mais il faut réussir à rester concentré sur ses objectifs, même si le rythme de vie d'un sportif est assez isolé.
Il faut avoir du recul sur la situation, et trouver ce qui te fait vraiment plaisir dans ce que tu fais. Moi, je pense avoir trouvé mon équilibre et je souhaite continuer sur cette lancée pour atteindre mes objectifs.

  

 

Maurine : Et donc, quels sont tes objectifs pour l'année 2023 ?
Romain : Je vais le faire en 2 temps.
Déjà sur le plan "scolaire", ça va être de mettre en place mon projet de partir aux Etats - Unis, pour reprendre mes études et faire un master. J'aimerais idéalement y être pour septembre 2023. Mais pour ça, il faut trouver une université qui me correspond, avec une équipe de course à pied qui a un bon niveau. 
Le système aux Etats-Unis est un peu plus facile qu'ici, surtout concernant l'entraînement. En plus, il y a une aide financière intéressante : si tu trouves une université, tu peux obtenir une bourse complète donc tu as des études à moindres coûts qui te permettent de t'entraîner en parallèle. Et ça, c'est le top !
Et puis je pense un jour revenir à mon rythme de vie actuel, mais pour l'instant j'ai envie de vivre autre chose. J'ai envie de tenter une nouvelle expérience qui me fait sortir de ma zone de confort ! Ce n'est pas encore fait, ça reste ma résolution de l'année, mais je suis en train de tout mettre en place pour pouvoir partir. 
Et après, au niveau sportif ça va être surtout au niveau chronométrique que j'aimerais m’améliorer. Par exemple, faire moins de 3 min40 sur 1500m, faire moins de 29 min sur 10 km et moins de 13 min 40 sur 5000m.
En 2023, je veux refaire tous mes records et arrêter de stagner.
  
Puis, je ne me suis pas encore trop renseigné, justement parce que je n'ai pas envie de me mettre la pression, mais par rapport aux sélections internationales s'il y en a certaines qui sont accessibles, je verrai. Mais j'aimerais faire partie des meilleurs français dans ma discipline du 1500 et du 5000m. J'ai envie, sans prétention, de jouer le podium avec des personnes qui sont déjà allées aux JO. Je pense me rapprocher de plus en plus de ce niveau-là donc j'aimerais jouer les premières places au niveau national.

 

 

Maurine : Et, comment comptes - tu gérer ton envie de sélection en équipe de France et ton projet aux Etats-Unis ? Est - ce que l'un ne freine pas l'autre ?  
Romain : Alors forcément un petit peu. Les saisons et les courses aux États-Unis sont en décalée par rapport à la France donc on est peut-être moins mis en avant.
D'ailleurs, il se trouve que quand tu vas aux Etats – Unis, tu remets un peu tout à 0 parce que tout est à construire là-bas. 
Si je vais 2 ans aux Etats-Unis, il suffit que je fasse de super performances que les français seront obligés de voir. Donc je peux être repéré parce que la fédération observe.
Après, c'est vrai que forcément tu n’es pas au premier plan donc tu n’es pas sous les yeux de tes sélectionneurs et sous les yeux de la fédération sur les compétitions en France. Mais, je pense que partir aux USA va m’apporter d'autres choses, une autre visibilité, des rencontres avec d'autres gens, etc.
En plus, le côté business est plus développé autour de la course à pied là-bas : les athlètes sont vraiment beaucoup plus mis en avant et les compétitions sont plus importantes. Par exemple, une compétition régionale là-bas, vaut 5 fois les championnats de France.
Il y a un engouement aux USA qui est super fort autour du demi-fond notamment. Ça va me permettre d'agrandir un peu mon panel de connaissances autour de la course à pied. Et puis on verra comment ça se passe à mon retour en France. Si jamais ça n’a pas non plus trop bien marché aux Etats-Unis, j'aurais quand même vécu une super expérience donc je n'aurais pas de regrets.

 

 

Maurine : Et pour finir, est-ce que tu as un conseil à donner à un futur athlète ?
Romain : Je conseille de garder le plaisir de courir.
Il y a des jours où ce n’est pas facile d'aller à l'entraînement, mais que, malgré tout, quand tu t'entraînes il y a forcément un moment dans ton entraînement que tu vas aimer et où tu te diras que t'es content de l'avoir fait.
Il faut garder cette reconnaissance parce qu'il y en a peu dans le sport qu'on fait. Il faut se nourrir de toutes ces petites choses, ces reconnaissances, ces petits plaisirs pour ne se concentrer que sur ça.
Et même si parfois la forme n’est pas au rendez-vous, ce n’est pas grave, ou si des chronos nous paraissent inaccessibles, il faut se dire qu'on a le temps et que ça va venir si on se focalise sur le plaisir.

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